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En France, lorsque l'on parle des personnes incarnant l'autorité judiciaire, il vaut mieux parler de magistrat plutôt que de juge. En effet, il faut faire la distinction entre les magistrats du siège, que sont les juges proprement dits, et ceux du parquet, que sont les procureurs. Pour résumer, le juge est un magistrat indépendant. Selon ses responsabilités, il est chargé de dire et d'appliquer le droit, de trancher les litiges, d'instruire les dossiers, d'appliquer ou de faire exécuter les peines... Le procureur, représentant du ministère public et placé sous l'autorité du ministre de la Justice, exerce l'action publique. Il dirige les enquêtes menées par la police judiciaire, reçoit les plaintes et décide de l'opportunité des poursuites. Quel que soit votre choix, vous devez passer par l'École Nationale de la Magistrature (ENM). Le présent article vous donne un aperçu des premières étapes pour devenir magistrat.

Partie 1
Partie 1 sur 4:

Les conditions d'entrée à l'ENM

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  1. Pour devenir magistrat, vous devez passer par l'École Nationale de la Magistrature (ENM), dont l'entrée se fait sur sélection. Située à Bordeaux, elle dispense la formation nécessaire pour accéder aux fonctions de la magistrature.
    • Selon votre profil, 3 types de concours existent. Le premier concours est destiné essentiellement aux étudiants et jeunes diplômés. Vous devez être âgé de moins de 31 ans à la date de l'inscription et justifier d'au moins 4 années d'études après le bac (Université, Institut d'Études Politiques (IEP), École Normale). Les deux autres concours sont réservés aux professionnels. Le deuxième concours est ouvert aux fonctionnaires âgés de moins de 48 ans et ayant 4 ans d'expérience. Le troisième concours permet aux professionnels du secteur privé âgés de moins de 40 ans et ayant 8 ans d'exercice d'accéder à l'ENM.
    • Notez qu'il existe deux autres manières d'entrer à l'ENM pour un professionnel en exercice : le concours complémentaire (qui ne permet l'exercice que de certaines fonctions) et le recrutement sur titre (examen de votre dossier par une commission spécifique).
    • Dans tous les cas, vous devez jouir de tous vos droits civiques et être d'une bonne moralité (casier judiciaire vierge). Par ailleurs, il faut être en situation régulière au regard du Code de service national (typiquement, avoir réalisé votre Journée d'Appel et de Préparation à la Défense (JAPD)). Enfin, vous devez être physiquement apte.
    • Pour vous inscrire au concours, vous devez seulement déposer ou adresser votre dossier de candidature complet au Parquet du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance (TGI) de votre lieu de résidence. Généralement, l'envoi des dossiers se fait entre les mois de décembre de l'année précédant le concours et de février. Vous trouverez le lien pour télécharger le dossier sur le site du ministère de la Justice  [1] .
  2. Environ 10 % des candidats sont admis, tous concours confondus. Mais le nombre de places varie chaque année. De 180 en 2011, il a augmenté à 270 en 2012 et s'est maintenu depuis à un peu plus de 200 (214 en 2013 et 205 en 2014).
    • Pour passer le premier concours, il vous est demandé d'avoir un Master 1 (Bac+4). Néanmoins, la majorité des candidats possède déjà un Master 2 (Bac+5), généralement en droit. Il est donc recommandé de suivre un cursus complet en droit (licence et master), pour acquérir les connaissances et la méthodologie juridiques. Il est souvent conseillé d'intégrer une faculté ou une école reconnue, mais rien ne remplacera votre travail personnel et votre curiosité, quel que soit l'établissement.
    • Pour réussir le concours, vous devez avoir des acquis théoriques et développer vos qualités intellectuelles. En effet, avoir des connaissances approfondies dans toutes les branches du droit est nécessaire, mais insuffisant. Il faut faire preuve d'esprit critique et avoir une grande capacité d'analyse et de synthèse. En outre, vous devez être capable de produire une réflexion cohérente sur tout sujet d'actualité qui vous sera soumis, c'est-à-dire qu'il faut des connaissances solides en philosophie, économie, histoire, sciences sociales, sciences politiques...
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Partie 2
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Préparer le concours d'entrée à l'ENM

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  1. Mais dans les faits, il est vivement conseillé de suivre un programme. La plupart des facultés de droit disposent d'un Institut d'Études Judiciaires (IEJ), tenu généralement par des professeurs en droit.
    • L'IEJ offre au candidat une préparation intense, ponctuée de concours blancs organisés pour le mettre en condition. Les cours sont dispensés par des professeurs et des professionnels du droit, auprès desquels vous pourrez trouver une aide précieuse. De plus, les promotions ont souvent un effectif peu élevé, ce qui favorise l'interaction avec les autres élèves et les professeurs.
    • La période d'inscription dans un IEJ se clôt généralement à la fin septembre de l'année précédant le concours. Les cours débutent fin septembre/début octobre. Renseignez-vous auprès de l'université de votre choix pour connaitre les conditions d'accès à son IEJ.
    • En complément de l'IEJ, de nombreux candidats choisissent de suivre une classe préparatoire. L'ENM propose ce dispositif depuis 2008, mais les places sont limitées et réservées aux élèves issus de milieux défavorisés  [2] . Des organismes privés, spécialisés dans la préparation des concours, proposent aussi de préparer le concours d'entrée à l'ENM. Les frais peuvent être élevés, mais considérez qu'il s'agit d'un investissement utile à votre future carrière de magistrat.
  2. En tant qu'étudiant et aspirant à entrer à l'ENM, vous pouvez signer une convention de stage avec l'IEJ duquel vous dépendez et un cabinet d'avocats ou un tribunal. Vous pouvez aussi postuler pour être assistant de justice  [3] .
    • Il faut cependant bien gérer son temps . En effet, si un stage ou un travail peut être extrêmement formateur, il peut aussi vous fatiguer. Or, vous devez prendre le temps d'étoffer votre culture générale et vos connaissances juridiques.
  3. Que vous suiviez une préparation spécifique ou que vous travailliez seul, il est crucial de saisir toutes les occasions pour apprendre.
    • Vous avez atteint un certain niveau d'études. Vous avez donc eu le temps d'identifier vos points forts et faibles au moment d'étudier pour les examens finaux. Servez-vous-en pour optimiser votre préparation au concours : faire des fiches (mémoire visuelle), enregistrer pour réécouter (mémoire auditive), se créer des moyens mnémotechniques...
    • Soyez méthodique et organisé. Il ne sert à rien de vous lancer à l'aveugle dans la préparation du concours. Lisez le programme détaillé des épreuves (disponible sur le site de l'ENM). Préparez-vous un calendrier d'apprentissage et de révision précis et respectez-le.
    • Ménagez-vous ! Bien dormir , bien manger et faire des pauses ne vous rendra que plus efficace dans votre travail. Les nuits blanches et la nourriture trop riche n'ont qu'un effet à court terme, si effet positif il y a. Or, vous ne pourrez pas suivre un tel rythme pendant toute une année de préparation et vous risquez de ne pas être opérationnel le jour J.
    • Approfondissez chaque point d'étude. Dans les matières juridiques, chaque controverse doctrinale et tout débat jurisprudentiel doivent être étudiés. N'hésitez pas à inclure vos propres réflexions. Cela pourra vous faire gagner du temps le jour de l'épreuve. Lisez les ouvrages recommandés ou connus qui vous permettront de faire des citations pertinentes dans vos compositions. Soyez toujours au fait des débats d'actualité, quel que soit le sujet.
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Partie 3
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Passer le concours d'entrée à l'ENM

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    • Généralement, le concours s'ouvre sur l'épreuve de connaissance et de compréhension du monde contemporain . Épreuve majeure et redoutée, à juste titre, des candidats, elle consiste en une composition portant sur un sujet d'actualité. Elle nécessite donc que vous ayez des connaissances solides dans tous les domaines (car vous devrez justifier chacune de vos idées), une méthodologie efficace ainsi qu'une grande capacité de synthèse et d'analyse pour que votre discours soit cohérent, compréhensible et convaincant.
      • Cette épreuve de « culture générale » est affectée du plus gros coefficient. Compte tenu du sujet, difficile à anticiper et de l'exigence du jury, elle est celle qui permettra de vous départager de vos concurrents. Ne la négligez pas !
      • À titre d'exemple, pour le concours 2014, l'intitulé était le suivant : « Identité individuelle et identité collective ».
    • Les épreuves de droit civil et de droit pénal touchent à toutes les composantes de ces branches et nécessitent d'en maitriser le fond (concepts, débats doctrinaux...) et la forme (procédure). En droit civil comme en droit pénal, il y a deux épreuves : une composition et un cas pratique.
      • En général, les sujets de cas pratique sont transversaux, c'est-à-dire qu'ils couvrent une large partie du programme. Des questions sont posées pour guider la résolution du cas pratique. Quant aux compositions, elles portent souvent sur une question qui fait débat ou qui connait un regain d'intérêt.
      • Pour information, en 2014, la composition de droit civil portait sur « le juge et l'intangibilité du contrat » et celle de droit pénal sur « l'appréhension pénale du terrorisme ».
    • Enfin, la sixième épreuve permet de tester les candidats sur une série de questions relative à l'« organisation de l'État, l'organisation de la justice, les libertés publiques et le droit public ». Les réponses doivent être courtes, concises et pertinentes.
      • Le droit public est assez peu apprécié des étudiants, qui ont tendance à le négliger par rapport aux autres épreuves. Même si ce n'est pas votre domaine préféré, travaillez-la aussi assidument que le reste. Grâce à elle, vous pourriez faire la différence face aux autres candidats !
  1. Si vous êtes admissible, un courrier vous est envoyé, sans vous préciser les notes obtenues dans les épreuves d'admissibilité. Dans le cas contraire, le courrier contient votre relevé de notes. Les épreuves d'admission se déroulent entre septembre et décembre.
    • Le seul écrit de cette série d'épreuves est la note de synthèse. Elle consiste à rédiger une note sur une problématique donnée en ne vous basant que sur l'ensemble documentaire fourni. Il s'agit d'une épreuve difficile, qui demande de l'entrainement. En effet, il faut être capable d'extraire de la vingtaine de documents présentés le maximum d'informations pertinentes. Vous devez ensuite rédiger votre note, qui doit être concise (4 pages maximum) et structurée.
      • L'épreuve dure cinq heures. Ce temps parait toujours trop court lorsqu'il s'agit de travailler sur des documents inconnus. Apprenez à gérer votre temps entre l'analyse des documents et la rédaction !
    • Vous voilà arrivé aux épreuves orales. Vous serez sans doute un peu plus stressé en présence des deux examinateurs devant lesquels vous devrez faire votre exposé. Il est important que vous vous soyez bien préparé. Votre éloquence et votre élocution doivent séduire le jury, tout autant que le contenu de vos propos. Ne laissez pas votre voix trahir votre stress.
      • Deux épreuves de droit sont prévues. Elles sont divisées en deux temps. Tout d'abord, vous devez réaliser un exposé d'une dizaine de minutes sur une question tirée au hasard, avec un temps de préparation très court de 5 minutes. Le jury pose ensuite une série de questions sur le reste du programme. La première épreuve porte sur le droit européen et droit international privé. La seconde est axée sur le droit commercial et le droit social.
      • Enfin, vous serez testé sur votre capacité à comprendre des langues étrangères. Les deux épreuves consistent en un compte rendu de quinze minutes avec deux examinateurs sur un texte préparé pendant quinze minutes. Il y a une épreuve d'anglais obligatoire et une épreuve de langue choisie par le candidat (parmi l'allemand, l'espagnol, l'italien et l'arabe littéral).
    • L'épreuve la plus pratique (et la plus importante !) consiste à évaluer vos compétences de futur magistrat par une mise en situation et un entretien avec le jury. Bien que la note attribuée par le jury soit unique pour l'épreuve, celle-ci se décompose en plusieurs parties.
      • L'épreuve de mise en situation collective est, comme son nom l'indique, une manière de tester le futur magistrat que vous êtes dans une situation concrète. Sur la base des informations données par le jury (éléments concrets de la situation, directive pour guider votre décision et votre rôle), vous devez analyser la situation et exposer votre décision. L'épreuve se fait sans préparation, devant un jury qui restera muet pendant les 30 minutes que durera votre exposé. La difficulté supplémentaire est le caractère collectif de l'épreuve. En effet, elle se déroule par groupe d'au moins 3 candidats, qui débattent sur la pertinence de leur décision.
      • L'entretien avec le jury se déroule en deux parties. Vous devez répondre brièvement à une question tirée au hasard (question d'actualité, de culture générale ou judiciaire), puis en débattre avec le jury. Une nouvelle fois, on mesure vos capacités intellectuelles et vos connaissances, mais aussi votre ouverture d'esprit et votre intérêt pour le monde qui vous entoure. La seconde partie de l'entretien revêt un caractère essentiellement personnel. En effet, vous êtes interrogé sur votre parcours et vos motivations. Vous pouvez aussi être questionné sur ce que vous avez décidé lors de l'épreuve de mise en situation.
    • Il est important de souligner que vous devez passer des tests de personnalité et d'aptitude. Un entretien avec un psychologue, en présence d'un magistrat, est aussi mis en place. Les résultats des tests font l'objet d'un avis du psychologue, pris en compte lors de la dernière épreuve d'admission.
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Partie 4
Partie 4 sur 4:

La formation à l'ENM

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  1. Votre carrière commence dès maintenant. Mais ne vous égarez pas, il reste encore du chemin !
    • Pendant la formation, vous avez le statut d'auditeur de justice et entrez ainsi dans le corps judiciaire. Nommé sur arrêté, vous devez prêter serment avant d'entamer votre formation. Il s'agit d'une cérémonie collective, durant laquelle vous jurez de garder le secret professionnel et de vous conduire en auditeur « digne et loyal ».
    • La formation dure 31 mois, soit 2 ans et demi et est rémunérée (environ 1 600 € mensuels nets). À la fois théorique et pratique, elle vise à vous faire acquérir les compétences fondamentales du magistrat, quelle que soit sa spécialité. La formation théorique est d'environ 27 semaines auxquelles s'ajoutent 71 semaines de pratique et environ 17 semaines de préparation aux premières fonctions. Il y a évidemment des périodes de vacances !
    • L'aspect pratique représente environ 70 % de la formation, ce qui prouve à quel point il est essentiel. Divers stages sont organisés pour vous permettre d'avoir une vision d'ensemble de votre futur métier : juridiction, cabinet d'avocat, service d'enquête, services pénitentiaires, service extérieur (type service administratif), juridiction étrangère. Notez que le stage juridictionnel est le plus important, tant en termes de durée (37 semaines) que d'expérience.
    • La formation est sanctionnée par une évaluation, constituée de 9 épreuves divisées en 3 séries de 3. Les modalités et les compétences évaluées sont différentes en fonction du moment de l'épreuve : fin de la période d'études, fin du stage juridictionnel, fin de la scolarité. Par ailleurs, un test de langue étrangère est aussi pratiqué.
  2. D'une part, la formation est probatoire, c'est-à-dire qu'en fonction des résultats de vos épreuves, vous pouvez continuer la formation ou ne pas y être autorisé. En effet, le jury peut vous demander de redoubler votre stage, réduire votre accès à certaines fonctions ou, dans le pire des cas, vous exclure. D'autre part, le classement issu de l'examen final est important pour votre future carrière. Le choix de votre première affectation se fait à partir d'une liste de disponibilités établie par le ministère de la Justice. Mais surtout, il dépend de votre classement. Plus vous êtes bien classé, plus vous avez de chances d'avoir un poste qui vous intéresse.
  3. La première phase de 6 semaines est théorique. Elle vous permet d'approfondir les connaissances et les compétences exigées par le futur métier que vous avez choisi. Ensuite, vous êtes immergé pendant 12 semaines dans votre juridiction d'affectation. Durant cette phase, vous vous préparez intensivement à vos futures responsabilités : juge d'instruction, juge d'instance, juge de l'application des peines, juge des enfants, substitut du procureur...
  4. Vous avez achevé votre formation de magistrat avec succès. Vous êtes nommé sur décret du Président de la République et êtes prêt à assumer vos nouvelles fonctions. Au cours d'une audience solennelle, vous serez amené à prêter individuellement serment devant les magistrats de la cour d'appel de votre affectation.
    • Votre serment est le suivant : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
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Conseils

  • Comme tout examen et à fortiori tout concours, le stress est un paramètre important. Vous devez apprendre à le gérer et à ne pas vous laisser submerger.
  • Même si vous suivez une préparation particulière, que vous êtes aidé et soutenu, rien n'est plus important et payant que le travail personnel !
  • Nous avons longuement développé la phase d'entrée à l'ENM. Cela se justifie par le fait qu'elle est, en réalité, la première et la plus importante étape de votre carrière de magistrat. Néanmoins, ne perdez pas de vue que les sources du droit sont très évolutives. Cela signifie donc qu'un magistrat est en constante formation, quel que soit son niveau de pratique.
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